Indonésie, de Raja Ampat à Sulawesi

Après de longues heures de trajet, nous voici arrivés à notre dernier pays d’Asie du Sud-Est et premiers pas sur le continent océanien, l’Indonésie. On vous voit déjà froncer les sourcils sur « Océanie ». Oui, cela nous a aussi surpris : l’ensemble de l’île indonésienne de la Papouasie et sa voisine la Papouasie-Nouvelle-Guinée font déjà parties du continent de l’Océanie. Donc premiers pas sur ce continent et plus précisément dans la réserve marine de Raja Ampat ! Après le vol de la Malaisie jusqu’à Jakarta, nous embarquons dans un petit avion à hélice pour encore 4,5 heures afin d’atteindre Sorong, capitale de la Papouasie. Depuis Sorong, nous rajoutons 3 heures de ferry pour atteindre le village de Wasai, porte d’entrée du parc. A notre arrivée, nous rencontrons notre nouvel hôte David Wambrauw (c’est un Papou, mais les différents pays colonisateurs ont marqué les noms indonésiens), qui nous amène chez lui pour vivre avec sa petite famille au bord de l’eau (à encore 2 heures de pirogues à moteur !).

A savoir qu’une bonne partie des Papous ne parlent pas l’indonésien, et encore moins l’anglais, mais une de leurs cinq principales langues locales papoues (entre la partie indonésienne et la Papouasie-Nouvelle-Guinée). Au total, l’Indonésie ne compte pas moins de 670 langues différentes ! Cela s’explique en partie avec l’isolement important de nombreuses populations, ainsi qu’une persistance de leurs cultures, religions et langues locales à travers le temps. Ce pays archipel compte 13’466 îles, avec 900 encore habitées aujourd’hui, et les plus grandes sont parcourues d’abruptes chaînes de volcans et de forêts tropicales ce qui permit ledit isolement des populations de l’Indonésie actuelle.

Dans cette partie de l’Indonésie, nous ne sommes pas venus grimper le Puncak Jaya (plus grand sommet du continent d’Océanie et plus haut que le mont Blanc), ni manifester avec le mouvement séparatiste pour l’indépendance papoue. Mais bien pour passer une semaine coupés du monde à profiter de la biodiversité corallienne en plongée, à faire du snorkeling (palmes, masque et tuba) et visiter ces belles îles. Situé à la rencontre entre la mer de Seram et celle d’Halmahera, cet endroit aurait selon « The Nature Conservancy » 75% d’espèces de coraux connus dans le monde et serait donc la plus riche diversité de corail. L’UNESCO envisage même de mettre les îles Raja Ampat sur sa liste du patrimoine mondial.

Pour profiter de ce paradis, nous avons été dormir dans une petite cabane sur pilotis chez une famille papoue. Confort sommaire avec deux fins matelas posés au sol sur des  planches de bois (on voit l’eau dessous), deux moustiquaires, murs fabriqués en bambou et le toit en feuilles de palmier. Mais c’est justement ce qui fait le charme de l’endroit ! David nous a accompagné toute la semaine dans les sorties snorkeling, visites d’îles, pêche et nous a déposé au centre de plongée du village.

Dans nos journées de snorkeling, David nous a fait connaitre un ponton très riche en poissons sur une autre petite île habitée.

Il nous a aussi emmené voir une station de lavage des raies mantas. Oui oui, station de lavage, c’est le nom donné aux endroits où ces dernières vont exprès tourner en rond et se faire « nettoyer » (manger) les parasites par d’autres poissons qui eux restent là aussi exprès pour cela. De jolies scènes de symbiose que nous offre mère nature. Nous avons pu voir en tout 6 raies mantas océaniques (les plus grandes peuvent atteindre 7m d’envergure et peser plus de 2 tonnes !).

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Nous avons également fait du snorkeling dérivant : David nous dépose à un certain point avec sa pirogue, puis avec le courant on dérive au dessus d’un joli site de plongée/snorkeling, ensuite il nous reprend et nous ramène refaire un ou plusieurs tours.

Avec David et ses deux enfants, nous sommes partis une journée visiter l’île Pianemo, faire du snorkeling aux alentours, pêcher puis pique-niquer sur une île déserte et paradisiaque.

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Pianemo
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L’eau est si claire !

Pique-nique sur une petite île paradisiaque et seuls au monde. David nous met en garde afin d’éviter de se poser sous les cocotiers. 🙂

S’ensuivit d’un petit snorkeling vers les mangroves. Les mangroves sont des écosystèmes qui, avec les racines des palétuviers (arbres des mangroves), filtrent et captent les sédiments provenant de la partie terrestre qui vont dans la mer et désalinent l’eau de la mer pour la survie des espèces terrestres. Elles oxygènent l’eau, la détoxifient et abritent également une faune très riche. En plus du rôle écologique central de ce biome, les mangroves sont les meilleures remparts possibles contre les tsunamis et ouragans. Malheureusement, partout sur le globe, leurs surfaces diminuent avec l’activité humaine. L’Indonésie est le pays qui possède la plus grande surface de mangrove au monde avec plus de 4 millions d’hectares.

Pour le dernier snorkeling, David et ses enfants nous ont fait découvrir un champs coralliens à perte de vue. On n’avait jamais vu de si beaux coraux auparavant !

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On a passé toutes les soirées à contempler les couchers de soleil depuis le ponton de notre cabane. L’éloignement de toute pollution lumineuse nous a permis de passer des heures à regarder les étoiles. Malheureusement, notre appareil photo ne nous permet pas de faire de belles photos d’étoiles, ni de voie lactée bien visible.

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Quelles plongées magnifiques dans ce petit coins de paradis avec cette biodiversité de poissons et de coraux invraisemblables… Première fois que l’on voit des requins tapis !

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Requin tapis

Adrien a aussi plongé à la station de lavage des raies mantas, au même endroit qu’en snorkeling, mais cette fois-ci il voyait ces majestueuses raies d’un autre angle que juste par-dessus. Trois types de raies sont faussement et très souvent appelées juste « raie manta ». Ces trois types sont des Mobulinae, les raies mantas océaniques (celles que l’on a vues), les raies mantas de récif (un peu plus petites) et les mobula (encore plus petites, et les mandibules sont en forme de corne). Ce sont ces dernières que l’on peut voir sauter et faire des pirouettes en dehors de l’eau !

Lors d’une autre plongée, on a pu voir (dans les dernières images) une plantation de l’homme pour du corail pour ensuite les « replanter ».

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Rascasse volante

Première fois qu’on voyait une tortue se prendre pour une autruche. Fous rires garantis sous et sur l’eau après la plongée !

Quelques enfants curieux en sortie de plongée.

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Dans les curieux, nous avons aussi nos amis les delphinidés qui pointaient souvent le bout de leurs becs lors de nos trajets en bateau et quasiment tous les soirs devant la cabane. Adrien a même essayé de partir nager avec eux, mais ils ont préféré jouer à « cache-cache »… Ou plutôt ils s’amusaient à « ressortir à chaque fois de l’eau, une trentaine de mètres en arrière à son passage ».

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Après ces moments privilégiés, on prend congé de notre petite famille papoue pour partir sur une autre île indonésienne, Sulawesi ! Le voyage n’étant pas fait que de jolies choses, on a été bouleversé sur le chemin du retour, impuissant de voir un enfant trop malade pour tenir la traversée du ferry jusqu’à l’hôpital le plus proche. Certains villages étant à plus de 10 heures d’un hôpital ou clinique…

Sulawesi

En quelques heures avec un petit avion à hélice nous rejoignons Makassar, capitale de Sulawesi. Makassar n’a pas plus d’intérêt que d’être la porte d’entrée la plus proche pour aller visiter le peuple toraja plus au centre de l’île. Dès notre arrivée sur l’île, nous prenons donc le premier bus de nuit disponible pour rallier Rantepao, une minuscule ville entourée de villages typiques. Nous étions venus en apprendre plus sur les traditions de ce peuple ainsi que pour comprendre un peu mieux leur animisme additionné à un protestantisme. Nous avons vraiment été dépaysé de par cette culture ancrée dans une population, qui a, au fil des ans, été « épargnée » par la mondialisation. En effet, l’isolement des Torajas a fait qu’ils n’ont pris conscience d’être un groupe ethnique distinct qu’aux environs du xxe siècle, dû à la colonisation par les Pays-Bas et la christianisation. Nous avons donc pu ressentir et voir cette « différence » et cette « authenticité ».

La première différence que l’on remarque dès notre arrivée dans ces petits villages est architecturale. La totalité des maisons ont gardé un style bien à part, les Tongkonan. Maisons sur pilotis tout en hauteur et très travaillées, couvertes d’un toit en U. Une théorie affirmerait que la forme de ces toits serait due au fait que lorsque les Philippins (actuels) sont arrivés sur l’île, ils auraient construit leurs maisons avec leurs bateaux, ce qui donnerait cette forme. Une autre théorie serait due aux croyances et aux point cardinaux. Quoiqu’il en soit, nous avons vraiment trouvé ces maisons magnifiques. Sculptées, peintes et décorées de manière très impressionnante et finies dans les moindres détails.

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Le même style de maison Tongkonan est construit en plus petit par les familles des classes plus hautes pour déposer le corps d’un défunt avant la cérémonie funéraire (généralement quelques mois à une année après la « mort »).

Les rites funéraires traditionnels torajas sont restés intacts et jouent un rôle de premier plan dans leur vie, malgré l’évangélisation qui touche plus de la moitié de la population. Selon leurs croyances et les préparatifs, le rite funéraire peut avoir lieu jusqu’à 10 ans après le décès ! Des techniques d’embaumement pour garder le corps sont entreprises. En attendant la cérémonie, la personne n’est considérée comme morte mais juste « malade ». Le corps est ainsi conservé et nourri dans la maison familiale ou dans un petit Tongkonan à côté.

Les rites funéraires sont avant tout un rituel de passage, un accès non seulement au monde des morts, mais aussi à la communauté des ancêtres divinisés. Ces rites rassemblent l’ensemble de la famille, amis, connaissances et plus il y a de monde, plus le défunt est considéré. Un maître de cérémonie gère le bon déroulement des 3 à 4 jours pour ce passage dans l’au-delà, ainsi que la comptabilisation des cadeaux et offrandes (il avait même un micro quand nous y étions). Les cadeaux pour la famille sont surtout du riz, sucre et cigarettes. Les cigarettes sont partagées durant tout le déroulement de la cérémonie. Beaucoup d’hommes fument, cela les rendrait heureux et plus les gens le sont, plus l’âme du défunt pourra partir facilement rejoindre ses ancêtres.

Pour assister l’âme du défunt sur le chemin du paradis, ils sacrifient des buffles et des porcs. Les porcs sont attachés et posés au centre de la cérémonie (leurs couinements nous ont fait froid dans le dos). Les buffles constituant un symbole social (richesse et pouvoir) sont offerts en second mais sont sacrifiés en premier. Les animaux sacrifiés sont amenés en cadeaux par les participants. Amener un buffle en offrande est un cadeau encore plus généreux qu’un porc. Les buffles albinos sont très recherchés et très chers, ils représentent donc le plus haut présent. A l’heure des sacrifices, les carotides des buffles sont tranchées, puis c’est au tour des porcs… L’âme de ces animaux aiderait ainsi le défunt dans le chemin de l’au-delà et lui garantirait un accès rapide. Les bêtes sont aussitôt débitées et emportées à la cuisine. Une petite partie sera mangée les prochains jours, la majorité sera offerte aux familles des participants. Les meilleurs morceaux étant réservés pour les classes sociales les plus nobles. Les cornes du buffle prendront place sur le mât de la maison (comme on peut le voir sur les photos  précédentes).

Après la cérémonie, les hommes vont porter le cercueil en bois (finement sculpté), sur son lieu d’inhumation, une crypte sculptée dans un rocher où reposent les ancêtres. Des parois complètes en sont remplies. Quelques mois plus tard un mannequin en bois sculpté pour l’occasion sera accroché aux rochers pour que ce dernier puisse venir veiller sur les vivants.

Certaines cryptes, plus anciennes, se sont effondrées avec le temps et les nouveaux perçages, ce qui rend la visite plutôt macabre. Cependant, on peut apercevoir des tombes qui ressemblent à des bateaux et des belles sculptures de bois.

Lors de la mort d’un bébé, le corps n’est placé avec la crypte familiale mais dans un arbre. Un bébé ne sachant marcher, il ne peut donc pas faire le chemin pour l’au-delà, l’arbre en continuant à grandir avec l’enfant, porte donc l’âme vers ses ancêtres. A l’inverse de chez nous, les fausse-couches ne sont pas « taboues », le foetus chez les Torajas est aussi inhumé dans l’arbre.

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Visite d’un marché aux buffles d’eau à Rantepao. La majorité de ses buffles serviront d’offrandes. Les buffles sont nettoyés, « lustrés » pour la vente d’animaux de sacrifice.

Nous nous sommes promenés en scooter de villages en rizières et de rizières en villages. Il vrai que ces maisons typiques entourées de rizières fluo sont très photogéniques.

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Après cette semaine très riche dans le pays Toraja, nous repartons pour Makassar en bus de nuit, puis rejoignons l’île de Java.

Une réponse sur « Indonésie, de Raja Ampat à Sulawesi »

  1. Extraordinaire, c’est vraiment le bout du monde ! Des poissons et une faune marine très variée, colorée et en nombre impressionnant. Vos photos sont splendides, les petits films retransmettent bien l’atmosphère de la plongée.
    Vos pieds sont-ils bientôt palmés? Les paysages incroyables donnent vraiment envie de découvrir ce pays.
    Les maisons en U sont fantastiques, très belles. Et de vivre en immersion avec ces peuples est décidément une expérience unique, un voyage à la rencontre de l’être humain, l’homme avec un grand H, pas seulement de s’abreuver des beautés de ce monde mais aussi de ces merveilleuses richesses culturelles.
    Merci les Loulous.

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